Bébés d’aujourd’hui et d’hier (2/2)

Bébé et histoire
Dans la publi précédente, nous avons remonté le temps et constaté que les bébés n’avaient pas la même place au sein de la société et ne jouissaient pas non plus de la même attention qu’aujourd’hui. 

Au XIXème siècle un certains nombre de changements s’amorcent: l’approche de la médecine change, elle se base maintenant sur une observation clinique fine. 

Charles-Michel Billard

C’est l’occasion de parler de Charles-Michel Billard (1800-1832), que l’on peut considérer comme l’un des précurseurs de la pédiatrie. Il publie en 1828 un Traité des maladies des enfants nouveau-nés (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5767292f) : le bébé est vu pour lui-même et n’est plus seulement un être à ramener à « la » véritable condition: celle d’adulte… 

On commence donc à se faire à l’idée qu’il existe des comportements propres aux enfants correspondant à certains âges. 

Cet ouvrage est d’autant plus important qu’au début du XIXème siècle, il y a très peu de livres sur les nouveaux-nés, et les publications de « référence » étaient… des manuels vétérinaires! Charles-Michel Billard y rassemble des observations précises, y analyse des symptômes, recherche des causes générales. Il jouit alors d’une certaine popularité à travers l’Europe, on lui propose des chaires professorales prestigieuses, mais contre toute attente, il choisit de s’installer dans sa ville natale d’Angers pour pratiquer la médecine. 

Charles-Michel Billard mourra à 32 ans, mais sa vie fut bien remplie: voyages à travers l’europe, traduction de nombreux ouvrages en plus d’écrire les siens, engagements dans la cité en faveur d’institutions pour sourds-muets ou pour la salubrité de la ville… 

On ne voit donc plus tout à fait les bébés du même oeil, et logiquement, dans le même temps, la conception de la maternité change: elle est plus valorisée, surtout dans les classes bourgeoises. 

Mme Necker

Des personnalités importantes telles que Mme Necker (1737-1794), femme de Necker, ministre des Finances en 1776 mais surtout femme de lettres animant des salons littéraires et politiques ( elle créa un hôpital dédié aux enfants malades en 1778), ou plus tard Mme de Lamartine (1790-1863), publient des lettres ou traités d’éducation dans lesquels elles exaltent l’amour maternel.

Mme De Lamartine

La « bonne mère » est alors celle qui est présente jour après jour auprès de son petit, qui observe ses progrès et est attentive à sa santé… Elle note tout cela dans un journal de santé. Ces carnets sont ensuite interprétés par les médecins de famille. On est là au début de nos carnets de santé! 

En 1869, le docteur Fonssagrives fournit un cadre plus formel aux observations des mères, en éditant un Livret maternel pour prendre des notes sur la santé des enfants, publié en deux volumes, l’un pour les garçons, l’autre pour les filles.

Jean Baptiste FONSSAGRIVES
(1823 – 1884)

Une émulation significative fera énormément progresser les soins donnés aux bébés et leur perception: des diagnostics facilités par des observations précises, les mères étant aux premières loges, le contexte de découvertes scientifiques: découvertes de Pasteur sur les maladies infectieuses, développement des premiers vaccins et sérums qui permettent de prévenir ou guérir les maladies infantiles autrefois mortelles. Toutes ces avancées s’inscrivent dans un contexte de diffusion large de règles d’hygiène et d’éducation par le biais de manuels, de l’école, de conférences, de consultations gratuites (dès 1892 à Paris)…

Résultat: baisse drastique de la mortalité infantile!

La première étape de la « médicalisation » des bébés est franchie à partir de 1890, les consultations gratuites de nourrissons se multiplient, c’est aussi un lieu d’éducation et nous dirions maintenant de prévention des causes de mortalité évitables: on s’assure de la bonne croissance des bébés, on donne des conseils aux mères, on surveille la qualité du lait… La généralisation des PMI en 1945 accentue le mouvement de baisse de la mortalité infantile. 

On passe d’un taux de mortalité infantile de 180 ‰ en 1880 à moins de 4 ‰ aujourd’hui… c’est donc une sacré révolution!

Dans la seconde moitié du 20ème siècle, le bébé obtient peu à peu le statut de véritable personne, avec des compétences, ayant son développement propre… On passe donc d’une vision d’un être non fini, proche du statut animal, incapable de ressentir, voir, entendre, comprendre, à un être subjectif à part entière.

Souvenons-nous que jusque dans les années 1970, on pouvait se passer d’anesthésie pour opérer les bébés de moins de 4 jours… cela fait frémir maintenant!

La sensoritalité, le développement des compétences du bébé, de sa subjectivité,  son lien à ses parents et son environnement, tous ces sujets seront théorisés par de nombreux auteurs dans différents champs: pédagogie, psychologie, médecine, neurosciences… 

Mais cela est encore une autre histoire!

Quelques références pour aller plus loin

Le Jeune Enfant Et Son Corps Dans La Medecine Traditionnelle, Françoise Loux, 1978, Paris, Flammarion. 

Les Enfants au Moyen Age, Ve-XVe siècles, Danièle Alexandre – Bidon, Didier Lett, col. « La Vie quotidienne », Hachette, 1997

Les enfants au XIXe siècle, Catherine Rollet-Echalier, 2001

Le corps du bébé dans l’histoire, Marie-France Morel Érès | « Spirale » 2015/2 N° 74 | pages 72 à 82 

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